C’est une première : une interview croisée pour les Echos et le Frankfurter Allgemeine de Benjamin Smith, directeur général d’Air France-KLM, et Carsten Spohr, PDG du groupe Lufthansa. Les deux ont choisi de s’exprimer d’une seule voix sur l’avenir du transport aérien en Europe, qui manque de réel soutien des autorités politiques à Bruxelles. Selon eux, l’avenir du transport aérien européen est menacé par une concurrence étrangère favorisée par un cadre réglementaire déséquilibré. Leur message est clair : il faut « des règles du jeu équitables » pour éviter une marginalisation des compagnies du Vieux Continent. Cet avertissement est étayé par l’éloquence des chiffres. Plus de 50 % du trafic long-courrier à destination ou en provenance d’Europe est aujourd’hui assuré par des compagnies non européennes. Emirates, Qatar Airways ou Turkish Airlines sont de fait devenus des incontournables des cieux européens selon les deux dirigeants, se taillant la part du lion. Une situation qui s’explique par le soutien qu’apportent leurs Etats respectifs. Et surtout par le fait qu’elles sont affranchies des contraintes imposées aux transporteurs européens. « L’Union européenne est un marché ouvert, mais beaucoup de nos concurrents ne le sont pas », rappelle Ben Smith. Cette asymétrie, ajoutent-ils, menace non seulement la compétitivité d’Air France-KLM et Lufthansa. Mais aussi les 12 millions d’emplois liés au secteur aérien européen. Pour Carsten Spohr, la question dépasse la simple dimension économique. Elle touche en fait à la souveraineté du continent. « Nous ne pouvons déjà pas assurer notre défense ni notre indépendance énergétique. Efforçons-nous au moins de rester connectés aux marchés mondiaux par nos propres moyens », souligne-t-il. Le patron de Lufthansa redoute que l’Europe, à force d’ouvrir son ciel sans contrepartie, perde le contrôle de ses liaisons stratégiques. Les deux dirigeants dressent un constat sévère. En vingt ans, les compagnies européennes ont peu progressé, tandis que leurs rivales ont explosé. L’offre long-courrier d’Air France n’a augmenté que de 14 % depuis 2005, celle de Lufthansa de 16 %. Elle a même baissé d’1% chez British Airways. A comparer à Turkish Airlines, dont l’offre a bondi de 651 %, à Emirates en hausse de 357% et Qatar Airways de 914 %. Cette expansion, facilitée par un accès quasi illimité au marché européen, a drainé passagers et emplois hors du continent. (Source : voyages-d-affaires.com)
